Chapitre 2 : le cercle 

Petit gland ? Mais à qui parlent-ils ? se demanda Bertille. Une amanite, grande et élancée, avec un superbe chapeau rouge à pois blancs, semblait attendre une réponse de sa part. Bertille tourna la tête à droite et se rendit compte que l’herbe autour d’elle était devenue gigantesque, elle regarda à gauche, un énorme bolet à chapeau marron la regardait attentivement.   

Perplexe, Bertille réfléchit. Elle n’était pas bien grande pour une enfant de sept ans, mais tout de même, se faire dépasser par des champignons c’était vexant… Puis elle se souvint que dans son livre préféré, Encyclopédie de la forêt mystérieuse, il était fortement déconseillé de s’approcher d’un cercle de champignons lorsque la nuit tombe. Suite à divers incidents, les cercles avaient été surnommés cercles de sorcière. Sa réflexion sur les causes probables de son rétrécissement fut interrompue par le gros bolet à sa gauche.  

— Alors petit gland, on n’ose plus parler ?   

— Moi un petit gland ? Je ne vous permets pas, je suis une petite fille ! dit-elle en fronçant les sourcils et en gonflant les joues.  

— Pourtant tu es bien coiffée d’une cupule ? dit-il en tapotant son casque à vélo.  

— Une cupule ?   

À son grand désarroi, elle comprit que les champignons avaient confondu son casque rose à licorne avec une cupule : le petit chapeau d’un gland. Cet incident ne serait jamais arrivé si ses parents avaient accepté de lui acheter un Heaume de chevalier, à la place de ce stupide casque.  

— Je ne suis PAS un gland ! rétorqua Bertille, Et puis vous êtes quoi vous exactement ?  

— Des CFE. Répondit fièrement l’amanite  

— Des CFE ? Ça ne me dit rien du tout.  

— Mais de quel mucus vous débarquez ? Nous sommes des Champignons Forestiers Enquêteurs. dit une trompette de la mort en bombant son torse.  

— Tous les arbres de cette forêt sont reliés via des champignons, chacun de nous vit en symbiose avec un arbre hôte. Il nous nourrit et en échange nous lui donnons des informations sur les autres arbres : est-ce qu’ils vont bien ? Y a-t-il une attaque d’insectes, est-ce que mamie va bien … etc… Les arbres ne peuvent pas se déplacer, mais nous, nous pouvons les relier, et si un arbre est malade et a besoin d’aide ou de nutriment nous allons voir les autres et demandons de l’aide. Lorsque des choses bizarres se produisent, on fait également appel à nous. Bref nous sommes les CFE !   

— Et en ce moment vous enquêtez sur quoi ? l’interrogea Bertille.  

— Il y a plus de 20 ans, le châtaignier que tu vois à l’entrée de la forêt a coupé toute relation avec les autres. A l’époque nous avions respecté son choix… Mais récemment des événements bizarres se sont produits. Il est possible qu’il ait voulu cacher sa maladie et qu’elle soit en train de tous nous contaminer. Il nous faut des volontaires pour aller voir ce qui s’y passe.  

— Moi ! cria Bertille.  

— Impossible, tu n’es pas un CFE !  

— Je suis une petite fille, c’est beaucoup mieux ! Et cet arbre est mon meilleur ami, je veux savoir pourquoi il est malade et chercher un remède pour le sauver.  

Les champignons la regardèrent un peu impressionnés. L’amour d’un arbre, ça ne se discute pas. Et après tout pourquoi pas, le cas est exceptionnel, tous les renforts sont les bienvenus.  

C’est ainsi qu’une petite fille avec un casque rose, une amanite avec grand chapeau rouge et un bolet à chapeau marron furent choisis pour enquêter sur la maladie mystérieuse du châtaignier.

A quelques branches au-dessus du cercle, une pie blanche et noire aux reflets bleus n’avait pas loupé une miette de la discussion. Elle regarda le groupe partir.   

— Mmm, l’heure arrive. Elle se lissa les plumes, et en trois coups d’ailes, s’envola vers l’arbre malade.